L’ART PEUT-IL SAUVER LE MONDE ?

MOT DE LA PRÉSIDENTE

Vaste question, complexe et difficile, dans laquelle nous n’allons pas nous perdre !
Et pourtant, chaque jour un événement tragique, un comportement aberrant, une révélation affligeante révèlent l’imperfection humaine et viennent attester de la difficulté pour l’homme de vivre en paix tout en respectant son semblable, le milieu dans lequel il vit et la vie qui lui a été donnée.
Dans cette situation, il est difficile de rester indifférent et déclarer forfait.

Vient alors la question de l’agir…
Quand ? Où ? Comment ?
Il y a certes mille manières d’agir sur soi et sur le monde, le chemin des possibles réparations est multiple et peut prendre de nombreuses formes. Loin de moi l’idée d’une quelconque proposition miraculeuse, nécessaire et suffisante à l’équilibre du monde !
Cependant, gardons précieusement la conviction que chacun peut apporter son humble et modeste contribution à l’amélioration de nos sociétés. D’autres colocataires de cette terre mère partagent la douce utopie d’être les TRIANGLE | A « colibris » de la forêt en feu, conscients et actifs tout au long de leur vie.
Ainsi, l’espoir d’un monde meilleur demeure-t-il, envers et contre tout !

L’art, et plus spécifiquement les arts plastiques, nous accompagnent depuis toujours, Véronique Casetta Lapiere et moi-même. Ils font partie intégrante de nos parcours personnels et professionnels.
En tant qu’enseignante d’arts visuels au cycle d’orientation de Genève, j’ai souvent dû faire face à la question du sens, de la définition et des implications de l’art. Pas une semaine sans que l’un ou l’autre de mes élèves ne me pose la question sur l’utilité de l’art. Dans notre système éducatif, l’art devient secondaire ! C’est ainsi que sont qualifiées les disciplines réunies au sein du domaine ART, elles sont dites non fondamentalesTRIANGLE HORIZONTAL (SMALL) c’est-à-dire non sélectives ! Elles n’ont pas leur mot à dire sur la qualité des savoir-être et savoir-faire de nos élèves, futurs citoyens du monde !
Néanmoins, selon les connaissances actuelles, l’art est une activité pratiquée par l’homme depuis 40.000 ans :

« Pour la première fois dans l’histoire des hommes, nous sommes en présence non seulement d’un art figuratif qui représente des éléments de la réalité, mais surtout d’un art visuel qui s’ouvre à la communication, s’affiche, se met en scène, s’adresse aux autres hommes ou aux divinités capables de voir et d’apprécier comme les hommes.
Le « pont neurologique » qui semble exister entre nous et les hommes de Cro-Magnon – puisque leur cerveau est identique au nôtre – permet de penser qu’à partir du Paléolithique supérieur on pratiquait l’introspection, on s’intéressait à ses états d’âme et ses états psychiques… »

Revue DIOGÈNE-n° 214/2006-L’origine de l’art-Michel Lorblanchet

L’art, en tant qu’activité productrice et réceptive de l’homo faber, fait donc partie de la longue histoire de l’humanité. Il y a quelques années, au fil des ondes de France Inter, j’ai relevé les mots d’un spécialiste sur les origines de l’art. Il parlait des trois besoins fondamentaux de l’être humain et citait la communication, l’externation (comme besoin de sortir de soi-même ce qui est à l’intérieur) et la compréhension (définie comme besoin de se situer dans l’univers). Sa conclusion était que l’art répond à ces trois besoins, statuant comme essentielle et nécessaire cette activité spécifique à l’homme. Par conséquent, elle participe activement à la construction de l’être humain en tant qu’être social, pensant, agissant et créateur.

Non, l’art n’est pas une simple activité de loisir, un produit supplémentaire de consommation, l’art est bien plus que cela et ne cesse de le démontrer.

« L’essentiel est de comprendre que l’art n’est pas uniquement une spéculation et un rêve, mais un acte et l’une des voies de la connaissance. »

Pierre Francastel-1961

De nombreux écrivains, philosophes, anthropologues, ethnologues, artistes et scientifiques analysent le domaine de l‘art. Ils développent des thèses, témoignent de recherches, proposent des analyses, expérimentent les effets, mènent des combats qui permettent de percevoir et saisir les dimensions multiples et complexes de l’art.
Parmi les philosophes, il en est un, Gilles Deleuze, dont j’ai écouté l’abécédaire il y a quelques années de cela. Dans ce lexique, il associe la lettre R au mot RÉSISTANCE, soutenant que dès que l’on crée on résiste !
On résiste à quoi ? « A la honte d’être un homme, à la vulgarité… ».

Il ajoute : « …l’art, ça consiste à libérer la vie que l’homme a emprisonné, l’homme ne cesse d’emprisonner la vie….l’artiste c’est celui qui libère la vie, une vie puissante…il n’y a pas d’art qui ne soit une puissance de vie… »

Gilles Deleuze, l’Abécédaire, entretien 1988

Sauver le monde est une ambition parfaitement démesurée qui n’a pas beaucoup de sens, par contre résister, contribuer à la transformation lente et profonde de chacun d’entre nous devient un défi à notre portée !
C’est dans cet esprit là que l’envie de créer cette association est née, une association dans laquelle il serait question d’art et de partage !

Une fois l’idée actée, il fallait trouver un nom ! Une liste interminable de possibilités fut déclinée : POUR L’ART, PARLONS DE L’ESSENTIEL, L’ART…UN REGARD SUR LE MONDE, LA COUR DES ARTS, L’ÉDUCATION ARTISTIQUE…C’EST MAINTENANT, L’ART…LIEUX DE VIE, OUI…J’AIME L’ART, ART…SI POSSIBLE, JE DIS OUI À L’ART, JE…TU…IL…, 100M2 D’ART, VOUS AIMEZ L’ART… NOUS AUSSI, L’ART POUR QUI…POURQUOI, L’ART S’INVITE, L’ART EST AU RDV, L’ART…UN BIEN NÉCESSAIRE !

Finalement c’est TRIANGLE HORIZONTAL Ariane Mnouchkine, 77 ans, animatrice du Théâtre du Soleil, qui nous a donné les clés. Lors de sa conférence au théâtre AM STRAM GRAM le 26 septembre 2015, elle a prononcé deux mots qui ont résonné et se sont associés définitivement pour nous : art ensemble. Aussitôt écrits dans l’application notes de mon portable, ils ne nous ont plus quittés, le nom de l’association était trouvé…
Elle poursuivit: « Restez dans l’aspiration, dans l’affection, dans l’amour…faut pas lâcher ce rêve d’élévation spirituelle…et il est dans l’art…montrer que tout est possible… »

Tout est alors devenu évidence, l’association s’appelerait ART ENSEMBLE, elle serait participative, solidaire, ludique et artistique.

Notre espérance prenait forme dans la volonté de PARTAGER, COMPRENDRE et PRATIQUER avec tout le monde UN BIEN COMMUN : L’ART.

Bienvenue dans l’association ART ENSEMBLE !
Violaine Keiflin

TRIANGLE | A « Seul le petit colibri s’activait, allant chercher quelques gouttes avec son bec pour les jeter sur le feu. Après un moment, le Toucan, agacé par cette agitation dérisoire, lui dit :  « Colibri ! Tu n’es pas fou ? Tu crois que c’est avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu ? Et le colibri lui répondit : « Non, mais je fais ma part ». »
Légende amérindienne

TRIANGLE HORIZONTAL (SMALL) « Les disciplines principales, reconnues comme fondamentales dans l’apprentissage des élèves et dont les notes interviennent spécifiquement dans les conditions de promotion, sont le français, les mathématiques et l’allemand pour tous les élèves. »
p.4-C 1 10.26 RÈGLEMENT DU CYCLE D’ORIENTATION

TRIANGLE HORIZONTAL Ariane Mnouchkine, née le 3 mars 1939 à Boulogne-Billancourt, est metteuse en scène de théâtre et animatrice de la troupe qu’elle a fondée en 1964, le Théâtre du Soleil. Elle est également scénariste et réalisatrice de films. Elle réside à Montrouge.